Bandeau
les révolutions de 1917 à 1921
La boucherie de la guerre de 14-18 accouche d’un monde qui se révolte.

La boucherie de la guerre de 14-18 accouche d’un monde qui se révolte.

Trotsky parle de Cronstadt et de Makhno - Ida Mett

Née le 20 juillet 1901 à Smorgone (Russie), morte le 27 juin 1973 à Paris ; docteur en médecine, puis traductrice ; militante libertaire. Dictionnaire des militants anarchistes

Dans le dernier numéro du Bulletin de l’Opposition en langue russe Trotsky publie une lettre-réponse à un camarade qui lui pose des questions concernant son attitude envers la mutinerie de Cronstadt et le mouvement makhnoviste. Les lecteurs de la R.P. trouveront plus bas les passages essentiels de cette lettre. On ne peut que se féliciter du fait que Trotsky décide d’interrompre son mutisme concernant ces mouvements de la plus haute importance pour l’histoire de la Révolution russe [1].

Trotsky, qui n’ignore pas que la science historique russe se trouve actuellement entre les mains d’une bande de fossoyeurs, et qui est en même temps un témoin très qualifié de ces événements, doit comprendre qu’il n’a pas le droit de se taire à ce sujet.

Nous concevons parfaitement que ce témoin historique qui fut en même temps un des principaux partisans des actes répressifs contre les dits mouvements, ait jusqu’à présent conservé un point de vue très hostile à l’égard d’eux.

Mais pour l’histoire un point de vue négatif est aussi important qu’un éloge, pourvue que l’un et l’autre soient basés sur des preuves historiques.

Or, dans sa lettre Trotsky se borne malheureusement à des phrases sans donner des preuves.

Il nous dit par exemple : "Les marins de Cronstadt exigeaient des privilèges. La mutinerie était dictée par le désir de recevoir des rations privilégiées de vivres."

Il existe pourtant des documents qui nous présentent tout un programme politique et social des marins de Cronstadt, et où il n’est pas question de rations de pain.

Trotsky dit encore que "la mutinerie a été utilisée par des éléments réactionnaires à l’intérieur de la Russie aussi bien qu’à l’étranger".

Il nous semble que pareil argument ne devrait pas être employé par le Trotsky de 1937.

Il sait parfaitement que la bourgeoisie internationale utilisait et utilise la pagaille au sein du parti communiste russe. Est-ce la faute à Trotsky ? Doit-il pour cette raison arrêter sa politique d’opposition à l’égard de la politique de Staline ?

Il dit aussi : "le mouvement avait ainsi un caractère contre-révolutionnaire".

Cette accusation, à défaut de faits et documents à l’appui, rappelle singulièrement les fameuses accusations de Staline : contre-révolutionnaire, agent de la Gestapo, espion, etc.

Pareils procédés ne sont pas dignes d’un historien.

Quant au mouvement makhnoviste Trotsky dit que c’était un mouvement de koulaks, haïssant le prolétariat des villes et imprégné d’antisémitisme. Mais en faveur de cet avis il ne donne pas la moindre preuve. Pourquoi devons-nous croire Trotsky qui exprime ce point de vue sans le moindre document à l’appui, plutôt que Makhno, qui nous raconte juste le contraire ?

L’histoire de la Révolution russe plus ou moins objectivement présentée peut servir d’enseignement au mouvement ouvrier du monde entier.

Trotsky sait aussi bien que nous qu’en Russie, non seulement la science historique est inféodée au système du mensonge généralise, mais qu’on détruit systématiquement les documents historiques qui ne sont pas en faveur de la bande au pouvoir.

De ce fait il résulte que Trotsky plus qu’un autre devrait contribuer à reconstituer le vrai visage de l’époque révolutionnaire, y compris l’éclaircissement de ces deux moments tragiques et culminants de la révolution que sont la mutinerie de Cronstadt et le mouvement makhnoviste.

Espérons qu’à l’avenir il publiera les documents appuyant ses accusations contre les marins de Cronstadt et les paysans insurgés d’Ukraine.

I. METT.