Bandeau
les révolutions de 1917 à 1921
La boucherie de la guerre de 14-18 accouche d’un monde qui se révolte.

La boucherie de la guerre de 14-18 accouche d’un monde qui se révolte.

La grève des usines Poutilov

Comme la révolution de 1905, la révolution de Février 1917 débuta par une grève aux usines Putilov qui, commencée le 18 février, se mit à toucher d’autres fabriques à partir du 22.

Le 22, on comptait 200 000 grévistes et le lendemain la grève était quasi générale. Ce même jour, la troupe tira pour la première fois sur un cortège de manifestants. Un retournement de situa¬tion décisif se produisit le 27, lorsque certains corps de troupes se rangèrent aux côtés de la masse révolutionnaire, entraînant avec eux d’autres régiments et privant ainsi le gouvernement de ses éléments de force 18.

Le mouvement qui, en quelques jours, traversa tous les stades d’une révolution, de la grève à l’insurrection en passant par les manifestations de rue, « jaillit des masses elles-rnemes, sans être dirigé d’en haut » 19. Aucun comité central de parti, aucune personnalité connue n’en assuma la direction ni l’orga¬nisation, Certes, diverses réunions clandestines de représentants des partis socialistes et de parlementaires de gauche eurent lieu entre les 23 et 25 février, mais elles restèrent sans effet sur le cours des choses 20.

Sans doute, ouvriers et étudiants bolcheviks participèrent aux manifestations et aux combats de rue, à l’instar des militants des autres partis et de la masse apolitique, mais leur parti en tant que tel ne dirigea nullement l’insurrection contrairement à ce qui devait se passer en octobre suivant, et contrairement aussi à la légende officielle 21. Trostski cite ces propos de Kajurov, l’un des leaders du rayon bolchevik de Vyborg, le quartier le plus prolétarien de la capitale « On ne sentait venir aucun principe directeur des centres du Parti (...). Le représentant du Comité central, le camarade Sljapnikov, se trouvait dans l’impuissance de donner des• direc¬tives pour la journée du lendemain 22. » Et Sljapnikov lui-même de reconnaître : « Personne parmi nous ne pensait [le 24] que le combat en cours contre le régime tsariste serait le dernier, la lutte décisive. Loin de nous cette idée . »

Ce n’est qu’au moment où la victoire de la révolution dans la capitale fut pour l’essentiel un fait acquis que, presque en même temps, deux centres s’employèrent à donner une forme organisée au mouvement d’origine spontanée : le Comité de la Douma et le Soviet. Le premier s’institua après la publication du décret de dissolution pris par le tsar, dans la journée du 27, comité provisoire des membres de la Douma (il comprenait notamment Rodzjanko, Miljukov et Kérenski). Kérenski qualifia après coup d’ « erreur la plus grave et la plus grossière » le fait que la Douma, bravant l’ordre de dissolution, ne se fût pas proclamée centre officiel de la révolution, et, par là, son organe directeur et reconnu par tous à l’échelon national .

En effet, le Comité de la Douma composé de « personnes privées », ne jouissait pas d’une légitimité supérieure à celle du Soviet qui s’était institué simultanément à lui et dont l’origine indiscutablement révolutionnaire lui valut d’emblée la plus grande popularité et autorité au sein des masses.