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les révolutions de 1917 à 1921
La boucherie de la guerre de 14-18 accouche d’un monde qui se révolte.

La boucherie de la guerre de 14-18 accouche d’un monde qui se révolte.

La dispersion de Kronstadt

Mais Kronstadt était déjà différent. Lorsque le détachement, revenant du front de Kalédine, arriva à la station terminale d’où l’on découvre tout le golfe, toute la route enneigée était noircie de longues files de gens avec des baluchons sur l’épaule. C’étaient des matelots qui quittaient Kronstadt.

Le Soviet des Commissaires du Peuple ne pouvait vivre tranquillement en ayant, non loin de lui, un rempart ferme de la Révolution authentique. Profitant de l’affaiblissement provisoire de Kronstadt, au moment où ses forces puissantes étaient disséminées dans toute la Russie pour lutter contre la vieille réaction, les bolchéviks commencèrent leurs manoeuvres contre Kronstadt.

Le premier coup porté fut la dissolution de la flotte. Le soviet pan-russe des marins, après Octobre et en relation avec les instructions reçues de leurs électeurs par les délégués, avait décrété que la flotte n’était pas démobilisée, et au contraire conservait l’intégrité de son unité combattante révolutionnaire.

Au début de février 1918, apparaît le fameux décret du Soviet des Commissaires du Peuple : la flotte est déclarée dissoute. Une flotte rouge est créée, sur de nouvelles bases, avec une solde alléchante à la clef et l’engagement personnel de chaque matelot attestant son entrée "volontaire" dans la flotte. Les matelots refusèrent d’abord d’exécuter le décret. Le Smolny répondit par un ultimatum : dans les 24 heures les rations seraient interrompues. Kronstadt ne se sentit pas assez fort pour résister et les matelots, montés contre le nouveau pouvoir "révolutionnaire", rassemblèrent leurs effets et, armes en mains, rejoignirent leurs foyers. "Les fusils et les mitrailleuses nous seront utiles à la campagne, décidèrent-ils, alors qu’ici les bolchéviks cherchent à acheter des mercenaires."

Ce n’est que plus tard, lorsque la première colère s’apaisa quelque peu, et lorsque les détachements commencèrent à revenir, qu’une partie des matelots se regroupa à Kronstadt, mais la plus grande partie s’était déjà éparpillée aux quatre coins de la Russie.

La Russie se préparait pour le 3e Congrès des Soviets. Il devait décider de la paix de Brest-Litovsk avec les Allemands. Au soviet de Kronstadt, cette question fut débattue deux fois. Au début, le soviet prit une résolution contre le traité. Les bolchéviks soulevèrent cependant encore une fois la question et, malgré les résolutions contre ce traité de la paix adoptées lors des meetings, ils réussirent à imposer au soviet une résolution en faveur du traité.

Après la conclusion de la paix avec les impérialistes allemands, s’étant débarrassés des forces révolutionnaires compactes, concentrées en certains points de la Russie, comme à Kronstadt, dans la flotte de la Mer Noire et ailleurs, les bolchéviks prirent le chemin d’un véritable pouvoir, d’une authentique "dictature sur le prolétariat".

En avril 1918, les mercenaires du Sovnarkom — Soviet des Commissaires du Peuple — écrasent tous les clubs anarchistes à Moscou, interdisent la presse anarchiste, jettent des centaines de combattants dans les sous-sols du Kremlin.

Kronstadt est le premier à élever une protestation, mais sa voix est déjà affaiblie par la dissolution de la flotte, par les milliers de victimes dans la lutte contre la réaction ; Kronstadt ne peut plus "diriger ses canons" contre les nouveaux oppresseurs, contre les nouveaux seigneurs, étrangleurs de la Révolution. D’ailleurs ceux-ci se sont éloignés de Kronstadt ; ils se sont enfermés non au Smolny, où il était plus facile aux Kronstadiens de les dénicher, mais au Kremlin de Moscou. Kronstadt se borna à émettre deux résolutions très nettes, hostiles à l’attaque barbare contre les combattants et les défenseurs de la Révolution. L’une d’elles fut adoptée à un meeting grandiose, l’autre au soviet.

C’est alors que la répression tombe sur Kronstadt. Tout d’abord, les bolchéviks chassent le soviet où ils étaient minoritaires. Ensuite, ils limitent la liberté de parole, de presse et de rassemblement. Ils organisent une Tchéka. Une lutte désespérée est menée contre l’esprit oppositionnel des Kronstadiens, au nom de la destruction de toutes les racines contre-révolutionnaires. Pourtant, peu de temps avant encore, les bolchéviks magnifiaient Kronstadt comme "la gloire et la fierté de la Révolution russe". Dans tous les ateliers, les régiments, les équipages des navires, des cellules communistes apparaissent, c’est-à-dire des cadres de dénonciateurs gouvernementaux. Dans la langue populaire, ces organes sont appelés simplement "com-mouchards".

Pour la moindre critique des actions bolchéviques, on saisit "les coupables" et on les envoie à la Tchéka de Pétrograd pour y être jugés. Seul, le "Pétropavlosk" oppose une résistance organisée. Lorsque les bolchéviks exigèrent qu’on leur livre Skourikhine, alors tout l’équipage, comme un seul homme, proteste et le défend.

Kronstadt gémit sous le joug de la "dictature du prolétariat". Ceux qui reviennent de permission racontent comment les barrages de contrôle répriment dans les trains les travailleurs, leur enlevant les derniers kilos de farine qu’ils avaient obtenus avec grande difficulté et ramenaient à leurs familles et enfants affamés. Les mêmes contrôleurs ne "remarquent" pas les dizaines de kilos du spéculateur voyageant en même temps ; les permissionnaires racontent comment des détachements armés de tchékistes, dans les campagnes enlèvent aux paysans leurs dernières bêtes, le dernier sac de seigle, même les livres, allant même à l’occasion jusqu’à fouetter les récalcitrants.

Kronstadt bout de colère contre les nouveaux oppresseurs à masque de révolutionnaires. Pourtant, même dans ces jours sombres et si pénibles, il faut que les vieilles forces de la réaction reviennent en scène, que Kronstadt, oubliant ses comptes à régler avec le pouvoir, aille au combat comme un seul homme. Il en fut ainsi en 1919, lorsque les bandes blancs-gardistes, ayant pris la colline rouge (Krasnaya Gorka) menacèrent Pétrograd, il en fut ainsi encore lors de l’offensive de Ioudénitch.

Les Kronstadiens semèrent des centaines des leurs à travers les champs et les forêts des lieux de combat.

La Russie gémit sous le joug des bolchéviks. Ayant épuisé ses forces dans la lutte incessante et longue contre la réaction blanche, elle se retrouve en guenilles, épuisée, affamée et elle ne peut s’opposer à ses exploiteurs bolchéviks.

Pourquoi les masses se retrouvèrent-elles enchaînées, défaites ? Pourquoi les bolchéviks se retrouvèrent-ils les étrangleurs de la Révolution ? Pourquoi firent-ils tout leur possible pour écraser l’énergie révolutionnaire des masses laborieuses, perdirent-ils toute leur flamme révolutionnaire et allèrent-ils jusqu’à l’accord avec les gouvernements bourgeois, considérant cette voie comme l’une des "périodes transitoires" vers la révolution mondiale et vers le monde socialiste ?

Au moment de l’essor révolutionnaire le plus grand des masses laborieuses, lorsqu’elles dépassèrent Octobre d’une allure ferme, lorsque l’avant-garde combattante des ouvriers et paysans marcha contre les innombrables fronts blancs, y combattit et y mourut avec la foi totale que la libération mondiale était proche, que chaque corps à corps contre les défenseurs du vieux monde était décisif, que chaque victoire contre eux devait soulever le courage et l’esprit révolutionnaire du prolétariat occidental. A ce moment-là donc, les bolchéviks préparaient déjà de nouvelles chaînes au prolétariat, dissimulant leurs visées anti-révolutionnaires au moyen de slogans extrémistes. Jamais les bolchéviks n’auraient pu se retrouver sur la crête de la Révolution s’ils ne s’étaient laissés entraîner par la démarche révolutionnaire des masses. Au début de la révolution, lorsque les masses lancèrent l’appel — "A bas la guerre" — "Vive la fraternité internationale des peuples" — alors les bolchéviks se mirent aussi à appeler l’armée au front à planter les baïonnettes dans la terre et à "fraterniser avec l’ennemi". Ils oubliaient alors de préciser qu’ils voulaient détruire l’armée tsariste pour mieux la remplacer par leur "armée rouge".

Lorsqu’ils criaient : "A bas la guerre, désarmement général des peuples", "changeons les armes en outils", ils furent alors contaminés par l’enthousiasme des larges masses laborieuses et crurent réellement que la fraternisation au front ne détruirait pas seulement les armées impérialistes russe, allemande, française et autres, mais entraînerait à sa suite, à l’Ouest, un soulèvement général contre la guerre, soulèvement qui se transformerait en révolution sociale. Ils ne pouvaient alors songer au "trône" solide du Soviet des Commissaires du Peuple et encore moins en parler. Pas un seul ouvrier ni paysan ne les aurait écoutés. Les larges masses laborieuses de la Russie, entraînées par la perspective d’une propagation immédiate d’un incendie mondial et d’une édification générale et prochaine du monde socialiste, poussèrent le parti bolchévik sur le chemin d’une lutte révolutionnaire directe.

Pour ne pas se retrouver en queue du mouvement révolutionnaire, pour ne pas être jetés par-dessus bord de la Révolution avec leurs confrères menchéviks et S.R., ils soutinrent les mots d’ordre les plus révolutionnaires et marchèrent avec les travailleurs vers la réalisation de ces objectifs.

Les choses évoluèrent ainsi jusqu’en Octobre. La Révolution d’Octobre suscita une terrible explosion de haine, tant de la réaction intérieure que de la part de l’impérialisme mondial. Le blocus de la Russie commença. Aux extrémités du pays, des forces contre-révolutionnaires, battues et dispersées en Octobre, se reconstituèrent. Tous les éléments de droite se retrouvèrent de l’autre côté de la barricade. Les anarchistes, les S.R. de gauche, les maximalistes et les bolchéviks restèrent avec les travailleurs.

La réaction entoura la Russie d’un cercle de fer : le front de Kalédine, l’occupation allemande, l’ataman Doutov dans l’Oural, Dénikine, Tchaïkovsky avec le corps expéditionnaire anglais au Nord, le front Nord-Ouest, Ioudénitch et d’autres innombrables fronts disséminée partout. L’extase révolutionnaire d’Octobre amena les masses, semble-t-il, à l’exploit de détruire la réaction.

Ce ne fut pas l’Armée Rouge, cette création artificielle des bolchéviks, cette mauvaise excroissance sur le corps de la Révolution, qui repoussa et détruisit la puissance militaire de la réaction, mais surtout les masses laborieuses elles-mêmes, ayant réalisé un armement général en Octobre au moyen de leurs organisations autonomes. C’est de cette façon que le front de Kalédine fut conduit à la. ruine, et Doutov vaincu. Lorsqu’à la faveur de la politique réactionnaire des bolchéviks, Dénikine et ensuite Wrangel purent abuser une partie du peuple laborieux, en leur promettant la tranquillité, l’ordre, la paix et le pain, alors l’Armée Rouge s’enfuit sans se retourner. Mais après une brève période, à l’arrière des généraux blancs, commencèrent des insurrections, se développant sans cesse, culbutant les armées qui se dissolvaient et fondaient du fait des désertions, le reste étant liquidé par les partisans-paysans, en partie par ceux-là mêmes qui avaient déserté les armées blanche et rouge.

Lorsque les généraux blancs avaient disparu, les bolchéviks arrivaient alors sur leur "cheval rouge".

Qu’est-ce qu’il en fut avec Ioudénitch ? Qui peut oublier cet enthousiasme révolutionnaire, ce dévouement et cet esprit d’organisation avec lesquels les ouvriers de Pétrograd et les Kronstadiens agirent, défirent son armée, équipée du matériel de guerre le plus perfectionné, lors d’une audacieuse et puissante offensive.

Qui ne sait pas par qui fut liquidé Koltchak, lequel avait créé une force armée colossale pour le compte du capitalisme anglais ? Et qui ne sait pas comment la flamme militaire de Trotsky qui, en voulant incorporer les Tchécoslovaques dans l’Armée Rouge, les poussa du côté de Koltchak, entraînant par cela même leur soulèvement, ce qui offrit à ce même Koltchak la possibilité de se couronner à Samara du nom de "gouverneur suprême de toute la Russie", et de se trouver à la veille d’être reconnu par les alliés impérialistes comme le maître des destinées de la Russie ?

Qui donc détruisit le magnifique trône de ce "héros" blanc ? La lutte des détachements de partisans, ouvriers et paysans, désorganisa le royaume de Koltchak. Au moment où ce dernier s’aperçut qu’il n’avait plus d’appui solide à son arrière, dans l’immense Sibérie, il tenta de reculer jusqu’à la frontière chinoise, mais les Tchécoslovaques furent encerclés par des détachements de partisans et, sous la menace de la force organisée des ouvriers et paysans, durent leur livrer Koltchak.

Sur ces entrefaites, l’Armée Rouge mercenaire revint sur le champ déblayé. Le gouvernement de Tchaïkovsky fit des tentatives stériles du même genre, sous la protection du corps expéditionnaire anglais, au Nord de la Russie, en occupant Arkhangelsk et une partie de la province de Vologodsk. Sur le compte du capital allié, le Nord de la Russie reçut du ravitaillement en quantité appréciable à l’époque : de la viande, de la farine blanche, des biscuits... Toutefois les masses laborieuses ne se laissèrent pas acheter. Elles ne voulurent pas de chaînes dans le confort. Les alliés de Tchaïkovsky, ne trouvant pas le soutien des masses, ni les rencontres avec génuflexions, ni l’hospitalité que leur avait promis la Russie blanche à l’étranger, dût évacuer rapidement cette région. D’autant plus que le capital allié ne se sentait pas assez rassuré dans ses propres pays, car la classe ouvrière occidentale s’opposait à l’intervention en Russie. Qui ne se souvient de la vague de grèves dans le sports anglais, lorsque les ouvriers anglais surent que les obus qu’on leur faisait charger étaient destinés à l’écrasement de la Russie révolutionnaire ?

Cette réponse et cette aide fraternelle de prolétaires obligea les gouvernements de l’Ouest à trembler pour eux-mêmes. Elles indiquèrent que si les ouvriers occidentaux ne s’étaient pas soulevés encore de toute leur puissance, déjà leur pensée était orientée dans la même perspective que la Révolution russe.

Cette solidarité renforça la fermeté et le courage du prolétariat russe dans son combat de plus en plus intense contre l’intervention alliée et la réaction blanche.

Si les travailleurs russes firent des zigzags dans la progression de leur mouvement, s’ils se laissèrent duper momentanément par les prophéties socialistes de droite, s’ils s’endormirent un court instant sur les discours prometteurs de Kérensky, de Tchernov et des menchéviks, s’ils restèrent quelquefois dans l’alternative, et si, écoeurés par le comportement des nouveaux seigneurs bolchéviks, ils laissèrent venir Dénikine et Wrangel dans les villes et les campagnes, et si les offensives de la réaction les surprirent à l’improviste, comme cela se produisit en Sibérie, alors ils surent corriger rapidement leurs erreurs, s’armer, passer à la lutte ouverte et jeter bas les tyrans, petits et grands, forts et faibles.

Malheureusement, le résultat de tout cela fut que les organisations ouvrières et paysannes se retrouvèrent saignées de tous leurs éléments les plus dynamiques, énergiques et révolutionnaires, tombés au combat. Ainsi la voix de "l’avant-garde de la Révolution sociale", Kronstadt, se tut aussi.

Dès qu’ils ne sentirent plus l’influence permanente et impétueuse des organisations locales ouvrières et paysannes, et étant étatistes par la nature même de leur parti, les bolchéviks s’écartèrent, avec une grande facilité, du droit chemin de la Révolution d’Octobre ; puis, au nom de l’auto-conservation et de l’aveuglement du pouvoir, passèrent dans les rangs des étrangleurs de la Révolution.

Les bolchéviks démontrèrent alors pleinement l’insignifiance de leur énergie créatrice. Au moment où les masses combattaient et périssaient dans la lutte contre le passé, les bolchéviks se mirent à détruire les principes créateurs de la Révolution russe : les soviets libres, les comités d’usine et de fabrique, les comités de maison et les organisations du vieux régime qui s’étaient transformées positivement au cours de la période révolutionnaire, comme les coopératives libres de consommation et de production.

Que créèrent-ils à la place ? L’Armée Rouge, la fameuse Armée Rouge. Pourquoi ? — Parce que l’armement généralisé des masses laborieuses, après que la réaction eut été défaite, aurait pu être dangereux pour la nouvelle politique des bolchéviks, consistant à préparer toutes sortes d’étapes transitoires dont l’esprit et les problèmes étaient incompatibles avec la Révolution authentique des travailleurs.

***

L’armement général des travailleurs n’est pas seulement dangereux pour la contre-révolution mais aussi pour tous ceux qui s’éloignent de la juste voie de la Révolution. Pour les bolchéviks, le danger venait de cet armement. "Vive l’Armée Rouge !" c’est-à-dire une armée qui réfléchit le moins possible et obéit le plus aveuglément, selon l’exemple de la vieille armée tsariste. Arraché à l’atelier, à ses camarades de travail, il est plus facile d’amener l’ouvrier, sous de fallacieux slogans et même sans eux, là où il semblera bon au parti communiste.

Il faut restaurer l’économie du pays, l’industrie ! Mais à quoi bon pour cela avoir des organisations ouvrières, des syndicats, des comités d’usine et de fabrique ? Il n’y en a nul besoin ! Seule la logique étatiste des bolchéviks peut indiquer comment et par quelles voies rapides le pays peut renaître économiquement.

Une immense machine centrale se créée : le Soviet Suprême de l’économie nationale, qui doit s’occuper de l’aménagement économique de toute la Russie.

Elle s’encombre de grandioses sous-divisions, départements et centres. Elle est envahie par d’innombrables "spécialistes", éloignés psychologiquement et politiquement de la masse, orientant l’édification selon les vieux modèles et anciennes formes bourgeoises. Les élans créateurs des masses laborieuses sont écrasés impitoyablement par le poing armé du gouvernement bolchévik. La fabrique et l’usine se transforment en casernes. Les ouvriers les quittent, s’adonnent à toutes sortes d’autres occupations, les moins fermes s’abaissent jusqu’à spé culer ; une existence misérable est dévolue aux autres L’économie tombe et va à la ruine.

***

La question paysanne repose sur le principe des relations mutuelles entre la ville et la campagne.

Au début de la Révolution, après Octobre, des détachements de propagandistes vont dans les campagnes, mais tous les paysans ne donnent pas leur blé. Ne peut-on les y contraindre par la force ?

La patrouille chargée de saisir le blé apparaît sur scène. Des bandes armées se répandent dans les campagnes, instaurent des jugements et des répressions contre les paysans récalcitrants. Ils les fouettent, les fusillent, anéantissent des villages entiers. Des soulèvements se produisent ; ils sont réprimés encore plus cruellement par les bolchéviks. Partout ceux-ci voient la Contre-Révolution ; en conséquence, ils répriment et répriment sans arrêt. La "dictature du prolétariat" tombe de plus en plus bas dans son pouvoir négateur.

Finalement, le parti bolchévik, après avoir vaincu la Révolution, conclut une alliance avec le capitalisme.

Sans doute, est-il bon pour le prolétariat que les bolchéviks se soient avérés être les fossoyeurs de la Révolution ? Les masses laborieuses du monde entier peuvent ainsi se convaincre de l’évidence qu’elles ne pourront s’émanciper que par le développement jusqu’à la puissance décisive de leurs propres organisations de combat ; que les organisations politiques, c’est-à-dire les partis, ne mènent qu’une lutte superficielle et, en fin de compte, ne peuvent comprendre les forces créatrices des masses laborieuses, n’aspirant qu’à prendre le pouvoir sur le dos des combattants de la classe ouvrière, pour l’utilisation de leurs intérêts étroits de parti, et étouffer les élans révolutionnaires de la classe laborieuse vers l’émancipation du joug du Capital et de l’Etat.