Bandeau
les révolutions de 1917 à 1921
La boucherie de la guerre de 14-18 accouche d’un monde qui se révolte.

La boucherie de la guerre de 14-18 accouche d’un monde qui se révolte.

Là où il y a de l’autorité il n’y a pas de liberté - Les Anarchistes
Tract - Pétrograd - 1921

Que se passe-t-il à Kronstadt ? Révolution ou contre-révolution ? Insurrection libertaire ou rébellion blanc-gardiste ? Les dirigeants bolchéviks déclarent : "Les kronstadiens se sont soulevés contre nous, ils ont quitté notre route. Leur nouvelle voie ne peut les mener que dans le camp des blancs et de la contre-révolution ; ils n’ont pas d’autre issues."

Mais nous, anarchistes, disons : il y a deux voies, dont l’une mène à l’Autorité, et l’autre à la Liberté. Sur l’une, les bolchéviks et les blancs-gardistes se côtoient, car les moyens et les fins sont les mêmes pour les monarchistes, les pro-Constituante, les menchéviks et les bolcheviks : ils veulent tous un pouvoir fort, pour enrégimenter les travailleurs.

Un pouvoir fort a besoin d’une obéissance docile ; cela signifie qu’il a besoin d’une discipline de fer, d’une armée répressive ; il lui est plus facile de gouverner lorsque le peuple est bâillonné et enchaîné.

Nous en avons vu les résultats : les réquisitions obligatoires pour les paysans, et le travail forcé pour les ouvriers. Un tel pouvoir n’hésite pas, sous prétexte de concessions, à vendre aux capitalistes étrangers, non seulement le labeur de l’ouvrier, mais aussi sa liberté, s’il peut affermir ainsi son autorité.

Voilà ce que déclare Lénine au Xè congrès du Parti : "Nous avions orienté notre politique économique selon les nécessités de la guerre, nous devons maintenant l’adapter aux nécessités de la reconstruction pacifique, avec un relâchement en haut, et des efforts en bas. Evidemment, cela ne peut se faire sans la contrainte, car le pays est épuisé et appauvri." C’est la voie des communistes et celle de tous les autoritaires. Si les kronstadiens empruntent cette voie aussi, alors ils seront pour l’Autorité, et alors leur mouvement sera contre-révolutionnaire.

À propos de la seconde voie, tout le monde se tait. Tous les gouvernements la dissimulent soigneusement, car c’est la fin de toute Autorité : la société libertaire. Là il n’y a plus de maitres, plus d’esclaves, de mercenaire du travail, ni de contraintes. Chacun participe à sa propre vie.

L’armée régulière, instrument d’oppression, cède la place aux détachements libres de partisans. Au lieu du travail forcé, c’est le travail créateur et libre pour tous.

Les ouvriers s’occupent eux-mêmes de la production et de la répartition des produits. Ils se passent de l’Etat, et organisent un libre échange avec les paysans. Les questions et problèmes de la vie économique et sociale se résolvent au cours de libres assemblées des ateliers, usines et communes paysannes.

Les kronstadiens ont toujours aimé la liberté : ils ne peuvent vouloir la trique. Ils se sont insurgés contre l’Autorité. Leur insurrection st une révolution.

Mais alors vous, pétrogradois, jusqu’à quand allez-vous vous taire et ne rien faire. La Révolution est là qui vous attend impatiemment. Elle vous appelle à la suite de Kronstadt. Il y a quelques jours encore, vous pouviez hésiter, vous pouviez ignorer la vérité sur les événements ; le pouvoir vous avait impudemment trompés, pour sauver sa peau, pour rester en place il lui faut écraser Kronstadt. Mais qui irait combattre les matelots de Kronstadt pour défendre le pouvoir ? Le pouvoir a imaginé une fable vieille et rabattue : celle de la contre-révolution. Il veut tromper Pétrograd, il veut tromper à nouveau toute la Russie.

Ceux qui connaissent Kronstadt et son amour de la liberté, ne peuvent croire que les marins se soient entendus avec l’"Entente". Seule une faible partie de la jeunesse s’est laissée prendre à cette fable. On l’a flattée, l’appelant "les vaillants défenseurs de Pétrograd" ; et sous le commandement de gredins conscients, elle a été envoyée canonner la Révolution. Voilà la vérité de ces derniers jours.

Sachant cela, pétrogradois, vous vous taisez tout de même. Nuit et jour vous entendez le grondement des canons, et malgré cela vous ne vous décidez pas à intervenir ouvertement contre le gouvernement, pour détourner ainsi ses forces de Kronstadt.

L’affaire de Kronstadt est vôtre. Non moins que les kronstadiens, vous avez souffert du pouvoir bolchévik ces trois dernières années ; il a tué en vous tout ce qui était vivant, toute pensée, tout espoir en la possibilité d’une nouvelle révolution même en la possibilité d’une émancipation lointaine.

Les kronstadiens ont toujours été les premiers dans la Révolte ; maintenant aussi ils viennent de débarrasser leur cou des mains qui les étranglaient avec des chaines. c’est pour cela qu’à Kronstadt, par-delà la canonnade, étincelle maintenant votre liberté.

C’est votre tour ! Après la révolte de Kronstadt, doit venir la révolte de Pétrograd !

Marins, soldats rouges, ouvriers, levez-vous à côté des kronstadiens, et que le pouvoir amène ses bandes de koursantis [1], nous verrons alors pour qui sera la victoire et la Révolution.

Pétrogradois, votre première tâche est de supprimer ce gouvernement et ensuite de ne pas laisser s’instaurer un autre. Tout Etat apporte avec lui, dès le premier jour, la loi, des décrets et les interdictions. Seule la société anti-autoritaire ne vous enchaînera pas...

Torpilleurs, unités militaires, usines, organisez entre vous une liaison, entendez-vous et mettez au point votre action. Attaquez tous les centres bureaucratiques, tous les dépôts d’armes. Le pouvoir vous recevra à coups de fusils : c’est ainsi que tout pouvoir rencontre la Révolution. Et comme toujours cela sera son chant de cygne.

Qu’avec vous vienne l’Anarchie !