La Pravda de Petrograd publie une lettre de Zinoviev aux camarades sans-parti.
Ce goujat effronté exprime le regret que les ouvriers communistes se raréfient dans les usines de Petrograd. Aussi, dit-il, "les communistes doivent entraîner vers l’édification soviétique les ouvriers et ouvrières sans-parti qui sont honnêtes."
Que les communistes se fassent de plus en plus rares dans les usines, cela se comprend : tous fuient le parti des traîtres. On comprend aussi que les tchékistes veuillent par tous les moyens, légaux ou illégaux, bâillonner les ouvriers sans-parti en les entraînant à collaborer avec eux.
"Procédez par ordre, écrit ce provocateur, et, de façon systématique, poussez les sans-parti au travail."
Mais quel ouvrier honnête rejoindra cette bande de pillards, de commissaires et de tchékistes ?
Les ouvriers comprennent très bien qu’il est indispensable à ces nouveaux gendarmes d’étouffer leurs murmures par toutes sortes de concessions, d’assoupir leur vigilance pour ensuite les enserrer plus encore dans leurs tenailles de fer.
Les ouvriers voient comment on en use avec leurs camarades de Kronstadt. "Ces derniers temps, pleurniche plus loin Zinoviev, nous avons eu un gros malentendu avec l’usine de la Baltique. Mais, si l’usine de la Baltique adopte la première le plan envisagé et montre l’exemple aux autres, beaucoup d’erreurs lui seront pardonnées."
Là, le provocateur s’est trahi lui-même.
En effet, il y quelques jours à peine, la radio communiste assurait aux ouvriers de Kronstadt que l’usine de la Baltique travaillait ; voilà que, subitement, surviennent de "gros malentendus" et un appel à montrer l’exemple "à d’autres usines".
Il faut croire que tout n’est pas si calme dans ces "autres usines".
Quand donc Zinoviev nous trompait-il ? Hier ou aujourd’hui ?
Afin de bien disposer ceux de la Baltique à leur égard, les communistes leur promettent monts et merveilles.
"Nous disposerons dès maintenant des ouvriers aux postes les plus importants : au ravitaillement, au combustible, au contrôle des institutions soviétiques, etc.
"Nous donnerons la possibilité aux ouvriers sans-parti de prendre par l’intermédiaire de leurs représentants la part la plus active dans l’achat — en or — de ravitaillement à l’étranger pour les ouvriers de Petrograd afin de passer les mois difficiles.
"Nous poserons sur le plan pratique la question de la lutte contre le bureaucratisme dans nos institutions.
"Nous nous querellerons, nous nous critiquerons, mais sur les points fondamentaux, nous nous entendrons bien." Voilà sur quel ton mielleux chante Zinoviev pour assoupir les ouvriers, pour détourner leur attention des coups de feu tirés contre leurs frères de Kronstadt.
Pourquoi donc les communistes n’en ont-ils pas parlé jusqu’alors ? Pourquoi ne l’ont-ils pas fait pendant leur règne de presque quatre années ?
C’est très simple : ils ne pouvaient pas le faire auparavant, ils ne le font pas à présent.
Nous connaissons la valeur de leurs promesses, et non seulement de leurs promesses, mais aussi de leurs contrats : ce sont des chiffons de papier.
Non, l’ouvrier ne vendra pas sa liberté ni le sang de ses frères pour tout l’or du monde.
Que Zinoviev abandonne ce projet creux : "s’entendre".
Maintenant que les frères de Kronstadt se sont levés pour défendre l’authentique liberté, les ouvriers ne peuvent donner qu’une seule réponse aux communistes : quittez le pouvoir, et vite, provocateurs, bourreaux, tant que vous pouvez encore décamper, et ne vous trompez pas vous-mêmes avec de vains espoirs !