Au Comité du Travail et de Défense de Pétrograd.
Au président Zinoviev.
Garder maintenant le silence est impossible et même criminel. Les événements qui viennent de se produire nous obligent, comme anarchistes, à parler franchement et à préciser notre attitude devant la situation actuelle.
L’esprit de mécontentement et d’inquiétude chez les ouvriers et les marins est le résultat de faits qui exigent la plus sérieuse attention. Le froid et la faim ont engendré le mécontentement ; l’absence de la moindre possibilité de discussion et de critique oblige les marins et les ouvriers à déclarer formellement leurs griefs.
Les bandes de gardes-blancs voudront et pourront exploiter ce mécontentement dans leur propre intérêt de classe. Se cachant derrière les marins, ils réclament l’Assemblée constituante, le commerce libre et autres avantages du même genre.
Nous, anarchistes, avons fait connaître depuis longtemps le fond trompeur de ces revendications, et nous déclarons devant tous que nous lutterons les armes à la main contre toute tentative contre-révolutionnaire, avec tous les amis de la Révolution Sociale et aux côtés des bolcheviks.
En ce qui concerne le conflit entre le gouvernement soviétique et les ouvriers et marins, nous sommes d’avis qu’il devrait être liquidé non par les armes, mais au moyen d’un accord révolutionnaire fraternel, dans un esprit de camaraderie. Recourir à l’effusion de sang de la part du gouvernement soviétique, dans la situation actuelle, n’intimiderait ni ne pacifierait les ouvriers ; au contraire, cela servirait seulement à augmenter la crise et à renforcer les œuvres de l’Entente et de la contre-révolution
Et, ce qui est le plus important, l’emploi de la force par le gouvernement ouvrier et paysan contre des ouvriers et paysans provoquera une répercussion désastreuse sur le mouvement révolutionnaire international. Il en résultera un dommage incalculable pour la Révolution Sociale.
Camarades bolcheviks, réfléchissez avant qu il soit trop tard ! Vous êtes à la veille de faire le pas décisif.
Nous vous soumettons la proposition suivante : élire une commission de cinq membres comprenant des anarchistes. Cette commission ira à Cronstadt pour résoudre le conflit par des moyens pacifiques. Dans la situation présente, c’est la méthode la plus radicale. Elle aura une importance révolutionnaire internationale.
Signé : Alexandre Berkman, Emma Goldman, Perkus, Pétrovsky — Pétrograd, le 5 mars 1921.