Editions Omnibus 2011
1120 p.
285€
Extrait de l’argument ouvrant les documents publiés par Marc Ferro
Peu d’événements historiques ont eu un effet de souffle aussi puissant que la révolution russe de 1917. Sans retour, elle a aboli un régime vieux de trois siècles, mis fin au règne des classes dirigeantes, instauré un gouvernement populaire. Ni la révolution de 1789, ni celle de 1848 n’avaient connu un tel accomplissement,— indépendamment du fait que celles-ci avaient été suivies d’une réaction —, ce qui rend compte de la fascination qu’a pu exercer 1917.
Soixante-dix ans plus tard, le régime que cette révolution a instauré a, à son tour, manifesté sa faillite ; avec elle, un mythe s’est effondré, qui a laissé orphelins ceux qui avaient eu foi en la possibilité de construire une société libérée des excès de l’autorité de l’Etat, des affres de la lutte des classes, de toutes les inégalités, et où se construirait la Cité du Bonheur.
Dans ce recueil, nous publions les textes qui témoignent des métamorphoses de la Russie, des événements et des crises qui les ont accompagnées ; pour cela, nous remontons en amont, car ces phénomènes s’enracinent dans un passé plus ou moins lointain, dans ce « siècle d’argent » qui vit notamment s’épanouir une civilisation littéraire. C’est à sa source, comme à celle des Lumières et de la Révolution française qu’est né le projet qui aboutit à 1917. C’est son œuvre qui l’a nourri ainsi que l’imaginaire de ses acteurs et de ceux qui, ensuite, ont voulu s’inspirer de son exemple.
Comment mettre fin à l’autocratie et participer au gouvernement de son propre pays ? s’interroge l’intelligentsia. Est-ce la paysannerie, qui, en se soulevant, permettra d’accomplir la révolution, selon les espoirs des populistes ? Est-ce la classe ouvrière naissante, conformément aux analyses marxistes ? « Il n’est pas besoin de révolutionnaires pour accomplir une révolution, répond Lénine, il suffit de laisser agir les dirigeants. »