Ce texte a été extrait d’un article plus long portant sur la révolution allemande paru sur le site d’Alternative libertaire
Beaucoup des 16 000 Alsaciens-Lorrains incorporés dans la Kriegsmarine avaient participé à la mutinerie de Kiel. Ils rentrent chez eux, emportant leurs espoirs révolutionnaires.
La république des conseils proclamée place Kleber à Strasbourg
Dans la nuit du 7 au 8 novembre 1918, plusieurs trains de soldats en permission ou mutinés arrivent à Strasbourg. Les autorités allemandes, qui ont alors perdu de leur légitimité aux yeux de la population d’Alsace-Lorraine, sont inquiètes.
Le 10 novembre, les premiers conseils de soldats, puis d’ouvriers, sont fondés à Strasbourg.
Ils existaient depuis la veille à Mulhouse et Haguenau. Alfred Doblin, auteur du célèbre roman Berlin Alexanderplatz, alors médecin militaire à Strasbourg, décrira en 1939, dans Novembre 1918, une séance du conseil des soldats. Une commission exécutive de 13 personnes, présidée par Rebholz, secrétaire du syndicat des ouvriers brasseurs, coordonne les conseils. Rebholz proclame la « République bolchevique allemande » devant l’aubette, bâtiment militaire du centre-ville.
Mais le même jour, le conseil municipal élit le socialiste francophile Jacques Peirotes comme nouveau maire. Peirotes se rend aussitôt devant l’aubette, pour proclamer lui-aussi la république, sous la statue du général napoléonien Kleber, affichant clairement son choix pour la France. Il y a désormais deux pouvoirs dans la ville : un pouvoir populaire « rouge » et un pouvoir municipal « bourgeois ».
La devise des conseils met l’accent sur l’appartenance de classe et évite soigneusement les débats entre francophiles et germanophiles. Plus d’une vingtaine de villes, même très petites, sont alors dotées de conseils, dont les fonctions et les orientations politiques sont diverses.
Généralement, ils font libérer les prisonniers non criminels et répondent aux urgences (ravitaillement, transports…). Les conseils ouvriers, plus rares, se limitent aux chemins de fer, aux arsenaux et aux ateliers municipaux, la plus grande partie de l’industrie ayant disparu pendant la guerre. Les réformes sociales restent prudentes : hausse des salaires, améliorations des conditions de travail… Mais quelques grèves révolutionnaires éclatent, notamment chez les cheminots.
Ni Allemands, ni Français : le drapeau rouge a triomphé !
Alors qu’à Strasbourg le maire Jacques Peirotes écrit secrètement à l’état-major à Paris pour lui demander de hâter l’envoi de troupes françaises, les conseils ne souhaitent pas contester la légitimité du pouvoir municipal. On ne touchera donc pas à la propriété privée. Le 17 novembre, les troupes françaises arrivent à Mulhouse, mettant fin aux conseils, sans combats.
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Une séance du Soviet de STrasbourg
Le 22 novembre, le général Gouraud entre dans Strasbourg. L’acclamation de la foule suffira : il n’y aura jamais de référendum sur l’autodétermination. Le drapeau tricolore remplace le drapeau rouge qui flottait sur la cathédrale. L’armée française se précipite tout de suite au palais de Justice où se tenaient les réunions des conseils. Les agitateurs sont expulsés et les organisations ouvrières placées sous contrôle. Tous les décrets sociaux sont annulés : pour les autorités françaises, les conseils d’ouvriers et de soldats n’ont jamais existé.
Renaud (AL Alsace)
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