Nous communiquons le radiotélégramme suivant, capté par notre station.
Station de Radio Rosta. [1]
Le journal français le Matin publie une nouvelle de son correspondant à Helsingfors selon laquelle un soulèvement contre le pouvoir des Soviets vient d’éclater à Kronstadt.
Le 14 février, on a signalé un soulèvement dans la Flotte de la Baltique, ainsi que l’arrestation des commissaires de cette flotte. Le gouvernement soviétique, fort de l’expérience passée, en a déduit que les agents des capitalistes français, en accord avec les ex-généraux tsaristes, préparaient une insurrection à Kronstadt.
De même, il est maintenant établi que d’ex-officiers tsaristes se sont infiltrés à Kronstadt et, avec de l’or, ont corrompu des éléments inconscients. Les informations fantaisistes des services secrets, répandant il y a trois semaines ces légendes au sujet d’un soulèvement à Kronstadt, n’ont fait que devancer l’événement. Ces derniers temps, sont apparues à Kronstadt et à Petrograd des feuilles éditées par les gardes blancs, et parmi les personnes arrêtées figurent des espions français notoires. Dans le même temps, les S.R. de droite, profitant de la situation difficile créée par le manque de vivres et de combustibles, ont entrepris une agitation intense parmi les ouvriers et les matelots de Kronstadt et de Petrograd.
Le 28 février, sur le navire Petropavlosk, a été adoptée une résolution réactionnaire qui, cependant, sous la pression des marins, a été revue et acceptée le lendemain dans une nouvelle rédaction.
On y exigeait la réélection du Soviet.
Nos camarades ne s’y opposaient pas et proposèrent la convocation à la Maison de l’Instruction d’une commission composée de représentants des matelots et des ouvriers pour régler cette question de manière définitive.
Les élections ont commencé, mais des éléments contre-révolutionnaires décidèrent de faire échouer cette commission et exigèrent avant tout qu’elle se réunisse sur le Petropavlosk.
Le 2 mars, éclata sur le Petropavlosk un soulèvement ouvert contre le pouvoir soviétique, avec la participation de mencheviks et de S.R. dissimulés sous le drapeau de la non-appartenance à un parti.
Le président officiel de l’organisation des insurgés, Petritchenko, est un ancien fourrier, le secrétaire, Toukine, est un matelot ; mais, en réalité, tous sont dirigés par le capitaine Bourkser, figure de premier plan parmi les anciens officiers tsaristes, et par l’ex-général tsariste Kozlovski.
A la tête du mouvement se trouvent également les officiers tsaristes Kostromitinov et Chimanovski.
Le 2 mars, le Soviet du travail et de la défense a décidé de décréter l’ex-général Kozlovski et ses partisans hors-la-loi, de promulguer l’état de guerre dans la ville et le gouvernement de Petrograd, et de remettre la totalité du pouvoir dans le District Fortifié de Petrograd au Comité de Défense de la ville de Petrograd.
Le lendemain, parmi les partisans de l’organisation insurrectionnelle du Petropavlosk, apparurent des signes manifestes de désagrégation. Les meneurs de l’organisation annoncèrent, pour relever le moral de leurs troupes, qu’en dernier recours, ils pourraient se replier sur la côte finlandaise. Dans le même temps, la presse blanche diffusait de fausses nouvelles selon lesquelles la bourgeoisie estonienne soutiendrait les rebelles.
Le 4 mars, au cours d’une réunion élargie du Soviet de Petrograd, le camarade Zinoviev donna un compte rendu détaillé des événements de Kronstadt, après quoi l’assemblée approuva à l’unanimité une adresse aux ouvriers, matelots et soldats rouges de Kronstadt, qui dévoilait la sale besogne des espions envoyés par les services secrets français, la sale besogne des mencheviks et des S.R. qui ont préparé les événements actuels. Cette adresse mentionne que le pouvoir Soviétique sait distinguer entre les ouvriers inconscients qui se sont trompés et les contre-révolutionnaires déterminés. Du point de vue militaire, Kronstadt ne présente aucun danger pour Petrograd, car le fort de Krasnaïa Gorka domine Kronstadt et peut l’anéantir à tout moment.
La garnison de Krasnaïa Gorka tout entière maudit les insurgés et brûle de les combattre.
A Petrograd, le calme règne, et même les quelques usines où s’étaient tenues des réunions pendant lesquelles des individus isolés avaient lancé des attaques contre le pouvoir Soviétique, ont senti la provocation et ont compris où les poussent les agents de l’Entente et de la contre-révolution.
L’assemblée des marins de Petrograd, forte de huit mille hommes, a adopté à l’unanimité une résolution favorable au pouvoir Soviétique, et la garnison de Petrograd n’a pas hésité une minute. Parmi les matelots de Kronstadt, la désagrégation s’accroît tous les jours, une grande partie d’entre eux est hostile au général Kozlovski et aux officiers, et le nombre de ceux qui rallient nos rangs s’accroît aussi.
Les radiotélégrammes et les journaux reçus de l’étranger montrent que, au moment même des événements de Kronstadt, les ennemis de la Russie diffusent de l’autre côté des frontières les plus fantastiques élucubrations au sujet de désordres en Russie ; le gouvernement soviétique aurait fui en Crimée, Moscou serait aux mains des insurgés, des flots de sang couleraient à Petrograd, etc.
L’organisation S.R. à l’étranger a reçu on ne sait d’où une énorme quantité de papier-monnaie tsariste, et répand ces rumeurs, entre autres, pour relever le cours de l’argent tsariste et l’écouler plus facilement.
Comme par hasard, alors qu’en Amérique le nouveau gouvernement Républicain montre des dispositions à établir avec la Russie des accords commerciaux, la diffusion de rumeurs provocatrices et la mise en scène de désordres à Kronstadt tendent à influencer le nouveau président américain et à contrecarrer l’évolution de la politique américaine à l’égard de la Russie.
Au même moment se tient la conférence de Londres et les mêmes rumeurs provocatrices doivent agir sur la délégation turque afin de la rendre docile aux exigences de l’Entente.
Sans aucun doute, la manifestation qui s’est produite sur le Petropavlosk n’est qu’une composante du grandiose plan de provocation qui, outre la formation de difficultés internes pour la Russie, a pour but de saper sa position internationale.
Devant nous se présente aujourd’hui l’œuvre provocatrice de la réaction mondiale des boursiers de l’Entente et des services secrets travaillant selon leurs prescriptions.
En Russie, les principales figures de cette politique sont un général tsariste et d’anciens officiers dont l’action est soutenue par les mencheviks et les S.R.
N° 373 — Station de radio Nouvelle-Hollande