Bandeau
les révolutions de 1917 à 1921
La boucherie de la guerre de 14-18 accouche d’un monde qui se révolte.

La boucherie de la guerre de 14-18 accouche d’un monde qui se révolte.

Pourquoi nous combattons
Izvestia N° 6 - Mardi 8 mars 1921

En faisant la Révolution d’Octobre, la classe ouvrière espérait atteindre son émancipation. Mais le résultat en a été un asservissement complet de l’individu.

Le pouvoir de la monarchie policière est passé aux mains des usurpateurs communistes, lesquels, en fait de liberté, ont inspiré aux travailleurs la terreur perpétuelle de tomber dans les chambres de torture de la Tchéka, qui surpasse mille fois en horreur la police du régime tsariste.

Les baïonnettes, les balles et les insultes grossières des opritchniki de la Tchéka, voilà ce que les travailleurs de la Russie Soviétique ont obtenu après un nombre incalculable de luttes et de souffrances. Aux glorieux emblèmes du pouvoir des travailleurs — la faucille et le marteau —, le pouvoir communiste a substitué dans les faits la baïonnette et le barreau de prison, grâce auxquels sera assurée à la nouvelle bureaucratie des commissaires et des fonctionnaires communistes une vie tranquille et heureuse.

Mais, le plus abominable et le plus criminel est la servitude morale que les communistes ont engendrée : ils ont fait main basse sur le monde intérieur des travailleurs, les contraignant à ne penser que selon leur doctrine.

A l’aide des syndicats d’État, ils ont lié les ouvriers à leur machine, ayant fait du travail, non un plaisir, mais un nouvel esclavage. Aux protestations des paysans qui s’exprimèrent par des soulèvements spontanés, et à celles des ouvriers obligés à la grève par les conditions mêmes de leur vie, ils répondent par des fusillades massives et par une soif de sang qui surpasse celle des généraux tsaristes.

La Russie laborieuse, qui fut la première à brandir le drapeau rouge de la libération du travail, est entièrement recouverte du sang de ceux qui ont été torturés pour la glorification de l’État Communiste. Dans cette mer de sang, les communistes noient tous les grands et radieux engagements et tous les mots d’ordre de la révolution du travail.

Il est apparu de plus en plus clairement, et il est maintenant manifeste, que le P.C.R. n’est pas le défenseur des travailleurs ainsi qu’il se présente ; parvenu au pouvoir, il ne craint que de le perdre ; aussi se permet-il tous les moyens, calomnie, tromperie, assassinat, vengeance, envers les familles des insurgés.

Mais le martyre des travailleurs touche à sa fin.

Ici et là, le pays en lutte contre l’oppression et la violence s’est illuminé de l’incendie des rébellions. Des grèves ouvrières ont éclaté ; mais les agents de L’Okhrana [1] bolchévique, eux non plus, ne dormaient pas, et ils ont pris toutes mesures pour prévenir et étouffer l’inévitable Troisième Révolution.

Elle est pourtant arrivée, et c’est par les mains des travailleurs qu’elle s’accomplit. Pour les généraux communistes, il est clair que c’est le peuple qui s’est levé, convaincu qu’ils ont, eux, trahi les idéaux du communisme. Tremblant pour leur peau, sachant bien qu’ils ne se soustrairont pas à la colère des travailleurs, ils n’en essaient pas moins, aidés par leur opritchniki, d’intimider les insurgés par des emprisonnements, des fusillades et autres monstruosités. Mais, sous le joug de la dictature des communistes, la vie même est devenue plus effrayante que la mort.

Le peuple laborieux insurgé a compris que, dans la lutte qu’il a engagée contre les communistes et contre le droit féodal renouvelé que ceux-ci ont restauré, il ne peut exister de moyen terme. Il faut aller jusqu’au bout. Ils feignent d’accorder des concessions : dans le gouvernement de Petrograd, ils lèvent dix millions de roubles-or pour acheter à l’étranger des produits alimentaires. Mais il ne faut pas se leurrer : derrière cet appât se cache la poigne de fer du maître, du dictateur qui songe à faire payer, le calme revenu, ces concessions au centuple.

Non, il ne peut y avoir de moyen terme. Il faut vaincre ou mourir !

C’est l’exemple que donne Kronstadt la Rouge, terreur des contre-révolutionnaires, de droite ou de gauche.

Ici, s’est produit ce nouvel et grand élan révolutionnaire. Ici a été hissé le drapeau du soulèvement qui doit libérer le peuple de la violence et de l’oppression exercées depuis trois années par la dictature communiste, qui a éclipsé en si peu de temps un joug imposé par la monarchie depuis trois siècles.

Ici, à Kronstadt, a été posée la première pierre de la troisième révolution, qui brise les derniers fers entravant les masses laborieuses, et ouvre le chemin large et neuf qui mène à la réalisation du socialisme.

Cette nouvelle révolution secouera les masses travailleuses de l’Est et de l’Ouest, offrant l’exemple d’une nouvelle édification socialiste, opposée à cette "réalisation" communiste d’État, et donnant aux masses travailleuses de l’étranger l’intime conviction que tout ce qui s’est fait chez nous jusqu’alors au nom de la volonté des ouvriers n’était pas le socialisme.

C’est sans tirer un seul coup de feu, sans verser une seule goutte de sang que nous avons fait le premier pas. Le sang n’est pas nécessaire aux travailleurs. Ils ne le font couler qu’en cas de légitime défense. Nous avons assez de maîtrise, malgré tous les actes révoltants qu’ont perpétrés les communistes, pour nous borner à les isoler simplement Cie la vie sociale, afin qu’ils n’entravent pas le travail révolutionnaire par une agitation mensongère et venimeuse.

Les ouvriers et les paysans vont de l’avant, irrésistiblement, abandonnant derrière eux, et les institutions, et le système bourgeois, et la dictature du parti communiste, sa Tchéka et son capitalisme d’État, qui serraient comme une grande volte le cou des travailleurs et menaçaient définitivement de les étrangler.

Le changement présent donne aux travailleurs la possibilité d’avoir enfin ses Soviets librement élus, fonctionnant sans aucune pression violente du parti, de réorganiser les syndicats d’État en associations libres d’ouvriers, de paysans et de travailleurs intellectuels. Le bâton policier de l’autocratie communiste est enfin brisé.