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les révolutions de 1917 à 1921
La boucherie de la guerre de 14-18 accouche d’un monde qui se révolte.

La boucherie de la guerre de 14-18 accouche d’un monde qui se révolte.

Les premières victimes de la troisième révolution
Izvestia N° 7 - Mercredi 9 mars 1921

Pour l’histoire des fusillades d’Oranienbaum

Le 2 mars, le bruit courut à Oranienbaum que Kronstadt avait expulsé Kalinine.

A la gare, des matelots de Kronstadt furent arrêtés.

La 1ère Division Maritime Aéronavale était toujours au service de la révolution et prêtait l’oreille aux voix des masses populaires.

La résolution de Kronstadt fut distribuée. La nouvelle se répandit instantanément parmi tous les marins de la Division Aéronavale qui se réunirent à 6 heures du soir dans leur club pour examiner la situation ainsi créée. Des communistes donnèrent l’alarme, téléphonèrent au Département Politique d’où vinrent l’organisateur du P.C.R., Perekhov, et d’autres communistes. Le commissaire fut horrifié de voir élire comme président du Comité Révolutionnaire le camarade Kolessov, chef de la Division Aéronavale Maritime, comme secrétaire le camarade Balabanov et comme sous-secrétaire, le camarade Romanov, et plus encore quand la division adopta à l’unanimité la résolution de Kronstadt.

Les matelots se réjouissaient du fait que le pouvoir était passé aux mains du peuple laborieux. Les communistes, eux, tentèrent vainement de nous provoquer, affirmant que nous n’avions pas le droit de nous rebeller contre les autorités des soviets communistes. Les matelots répondirent à cela, pleins de fougue révolutionnaire, que la mort était préférable au joug des communistes ; et aux cris joyeux de "Vivent les matelots, les soldats rouges et les ouvriers de Kronstadt !" ils se dirigèrent vers le hangar où se trouvaient les hydravions.

Là, ils se réunirent à nouveau. Le camarade Balabanov proposa d’armer tous les marins, mais quelques-uns d’entre eux, craignant une effusion de sang, s’opposèrent à cette proposition. Comme nous le verrons plus loin, ils payèrent cher leur pacifisme et leur crédulité.

On élut trois délégués aux relations avec Kronstadt, on décida de former une division de garde forte de trente hommes. Pendant ce temps, des communistes étaient aux écoutes et rendaient compte de tout au Département Politique où s’était réuni un Conseil de Défense des communistes, dont le président ; le commissaire Sergueïev donna l’ordre aux unités militaires d’arrêter les matelots insurgés sans doute passés aux gardes blancs. Comme les communistes nous avaient assuré qu’ils ne commettraient aucune arrestation ni n’emploieraient la force armée contre nous, chacun était rentré chez soi.

Nos délégués, envoyés dans les sections voisines avec la résolution de la forteresse de Kronstadt, furent arrêtés en chemin par la Tchéka. Le camarade Kolessov ne parvint pas à téléphoner à Kronstadt ni aux autres sections (le central lui répondit que l’appareil était en dérangement). Dans le même temps, le commissaire de la garnison d’Oranienbaum, Sergueïev, téléphonait, lui, au Comité de Défense de Petrograd et demandait l’envoi d’urgence d’un convoi blindé d’élèves-officiers, exigeant instamment trois batteries d’artillerie légère et un escadron d’élèves-officiers montés. Tous les communistes s’armèrent jusqu’aux dents et furent pourvus en revolvers et en mitrailleuses ; quant aux soldats rouges, on leur donna à chacun deux livres de pain et une livre de viande, puis, on les dirigea vers l’État-Major de leurs brigades. Ensuite, les communistes passèrent au désarmement des jeunes marins et de l’unité de convoyage. Ils arrêtèrent les moins sûrs et les emmenèrent à la Tchéka. Ceux qui s’échappèrent au moment d’être arrêtés informèrent le camarade Kolessov de la situation ; il répondit : "Ils peuvent continuer les arrestations. Nous ne les craignons pas et ne résisterons pas car nous sommes trop faibles ; nous ne sommes que trente hommes de garde."

Le 3 mars à 5 heures du matin arriva de Petrograd le train blindé Mer Noire avec sa cargaison d’élèves-officiers. A 7 heures du matin, alors que le jour se levait à peine, le train blindé arriva près du bâtiment de la Division Aéronavale Maritime et pointa canons et mitrailleuses. De partout, les élèves-officiers se jetèrent sur les marins et les désarmèrent. Un fanatique célèbre de la Tchéka de Kronstadt, Doulkis, dirigea son revolver sur le camarade Kolessov en criant comme une bête fauve : "Ne bouge pas, garde blanc, ou je tire !" Après quoi, on arrêta notre chef et on le conduisit sous escorte à la Tchéka, où l’on commença à amener les marins arrêtés à leur domicile.

Au bout de quelques heures, les tchékistes passèrent aux interrogatoires. Après celui du camarade Kolessov et de quarante-quatre marins de la Division Aéronavale, une compagnie d’élèves-officiers les emmena le 3 mars à 16 heures derrière Martychkino pour les fusiller. Peu après, plusieurs salves se firent entendre.

Les communistes de la Division Aéronavale donnèrent l’ordre d’arrêter sur-le-champ les femmes et parents des camarades qui s’étaient soustraits aux griffes de la Tchéka.

Des élèves-officiers arrivèrent d’Orel, de Nijni-Novgorod et de Moscou ; puis ce furent trois trains blindés qui occupèrent les voies de garage de la gare d’Oranienbaum, et enfin arrivèrent l’artillerie lourde et la Tchéka de Moscou.

Pour qui toutes ces forces armées et tous ces opritchniki ?! II est clair qu’ils sont destinés aux ouvriers, paysans et soldats rouges qui désirent la liberté du travail et la justice.

Les fusillades ne nous font pas peur. Nous avons décidé de vaincre ou de mourir de la mort glorieuse du marin révolutionnaire qui a fait la preuve qu’il n’est pas le gendarme ni le valet de la Tchéka, rempart de l’absolutisme du parti communiste, qui martyrise nos femmes et nos enfants dans ses chambres de torture.

A bas les assassins communistes qui spolient nos pères !

Vive le pouvoir des Soviets !