Bandeau
les révolutions de 1917 à 1921
La boucherie de la guerre de 14-18 accouche d’un monde qui se révolte.

La boucherie de la guerre de 14-18 accouche d’un monde qui se révolte.

- La Révolution de 1917
- Marc Ferro -

Éditeur : Flammarion 1997 18.60 € 1090 p.


Extrait de la présentation de cette nouvelle édition.

Depuis quatre-vingts ans, pour rendre compte de la révolution de 1917, deux camps s’affrontent.

Soucieux d’affirmer la légitimité du pouvoir bolchevik, les historiens soviétiques ont voulu montrer que chaque stade du développement de la société russe correspond bien au modèle marxiste, que le développement du système capitaliste conduit nécessairement à la banqueroute de tous les régimes, menant à la victoire inéluctable du prolétariat grâce à l’action de son avant-garde, le parti bolchevik. L’historiographie trotskiste a volontiers suivi le même parcours’.

Dans ces conditions, la victoire des bolcheviks en octobre 1917 fut logique, scientifiquement prévisible, nécessité historique ; elle fut accomplie à cette date pour autant que le parti suivit les analyses et la ligne de son fondateur. En bonne logique, prouver que Lénine avait eu raison constitua donc une des tâches essentielles de l’historiographie soviétique. Dans sa dernière version officielle, celle de Mine, l’itinéraire de la révolution conduit tout droit à Octobre ; il est ponctué par les activités propres du parti bolchevik, guide des masses finalement ralliées à lui grâce à l’activité de ses héroïques militants .

Selon les autres, la révolution d’Octobre fut un coup d’État réussi grâce à la discipline du parti bolchevik (M. Fainsod ). Devant le vide créé par la dégénérescence du gouvernement provisoire, où tout groupe organisé pouvait se saisir du pouvoir (L. Schapiro ), le mieux constitué, celui de Lénine, a réussi à « prendre le pouvoir au vol » (A. Ulam)

Ensuite, grâce à son appareil, le parti l’a gardé pour lui tout seul et pour toujours.

Dans ces conditions, pour ce camp-là, il est clair que la révolution fut une sorte d’accident de l’Histoire, aucunement inévitable. « On juge et beaucoup jugent encore, écrit Robert Daniels, que les Bolcheviks avaient contre eux la paysannerie, les combattants du front, les fonctionnaires, et que, dans les villes, ils n’avaient aucun soutien populaire . » Auraient-ils eu un tel soutien, estime W. H. Chamberlin, celui-ci aurait eu pour origine non l’adhésion au programme ou aux idées bolcheviks mais le fait que le pays vivait dans des circonstances « anormales », la guerre et la défaite’.
Ainsi, selon ces auteurs, ni la « logique de l’Histoire » ni la volonté expresse du peuple russe n’ont à voir avec la révolution d’Octobre ; celle-ci s’explique par l’habileté des dirigeants bolcheviks, l’incompétence ou la légèreté de leurs adversaires, la fatalité tragique de l’Histoire.